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Interview de Claire FOURCADE du 11/03/24 (BFM/RMC)... AIDE ACTIVE À MOURIR: "ON SE SENT COMPLÈTEMENT ABANDONNÉS" DÉNONCE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DES SOINS PALLIATIFS

Un projet de loi sur la fin de vie sera présenté en avril en Conseil des ministres, puis en mai à l’Assemblée nationale. Emmanuel Macron en expose les contours dans une interview à La Croix et à Libération, publiée ce dimanche. Il ne retient ni le terme d'euthanasie, ni celui de suicide assisté, mais plaide pour une aide à mourir dans des conditions strictes. La première, c'est qu'elle ne sera réservée qu'aux personnes majeures, et c'était l'une des demandes de la convention citoyenne.

Par ailleurs, il faudra aussi être totalement lucide au moment où le patient fera sa demande, ce qui exclut les patients atteints de maladies psychiatriques ou de certaines maladies neurodégénératives comme Alzheimer. Troisième condition, les personnes demandant une aide active à mourir devront être atteintes de maladies incurables, avec un pronostic vital engagé à court ou moyen terme. Mais que veut dire court ou moyen terme? Plusieurs mois? Une année? Cette notion sera très difficile à définir et fait déjà débat. Dernier critère, celui des souffrances, les médecins ne pourront accorder ce nouveau droit qu'à des personnes souffrant de douleurs qui ne peuvent plus être soulagées par les traitements.

Mais ce qui change le plus profondément avec la loi Claeys-Leonetti votée en 2016, c'est qu'Emmanuel Macron, sans le dire, est favorable à l'administration d'une substance létale, un cachet ou une injection qui entraînera la mort en quelques minutes ou quelques heures. Une substance qui sera prise par le patient lui-même s'il le peut. Et s'il ne le peut plus, la charge incombera alors à un de ses proches et en dernier recours à un médecin ou à un infirmier volontaire. C'est donc très différent du cadre actuel qui autorise dans certains cas seulement, et non pas pour un cancer en stade terminal par exemple, "une sédation profonde et continue jusqu'au décès". En réalité, le patient est placé dans un coma artificiel, et les traitements, l'alimentation et l'hydratation sont stoppés jusqu'à sa mort. Le décès ne survient alors qu'au bout de plusieurs jours, après de longs moments très difficiles et douloureux pour le patient et sa famille.

"Ce matin, je suis surtout triste, explique la Dr Claire Fourcade, présidente de la société française d’accompagnement et de soins palliatifs, dans Apolline Matin ce lundi sur RMC et RMC Story. Hier, j’étais en colère. Nous faisons tous les jours à nos patients la promesse du non-abandon: ‘Quoi qu’il arrive, on sera là avec vous, jusqu’au bout’. Et c’est une promesse qui n’est pas facile à tenir, pour laquelle on a besoin de l’aide de la société. On a besoin que la société nous dise: ‘Vos patients comptent pour nous, ils sont importants et quoi qu’il arrive, on va les soulager’. On a besoin que la société nous dise à nous soignants, qui vivons dans l’ombre de la mort, que ce qu’on fait a du sens pour la société. J’ai l’impression, avec ce projet de loi, qu’on a été complètement abandonnés. Je me sens abandonnée."

"Ce projet de loi s’appelle ‘aide active à mourir’. Ça va 25 ans que je fais de l’aide active à mourir avec l’équipe dans laquelle je travaille, ajoute-t-elle. C’est notre métier, l’aide active à mourir. Nous aidons les patients jusqu’à leur mort, c’est notre travail. Donner la mort, c’est autre chose, c’est un geste différent, difficile, douloureux pour beaucoup de soignants, qui n’est souvent pas envisageable. C’est au-delà du soin. C’est un bouleversement complet de la définition du soin. En même temps, ce qui nous est proposé, en utilisant notre clause de conscience, c’est de pouvoir nous retirer quand c’est trop difficile et d’abandonner nos patients. Ça n’a pas de sens pour nous."

Cette spécialiste regrette surtout le manque de moyens pour les soins palliatifs, alors que le gouvernement promet de les développer. "Il y a tous les jours 500 Français qui n’ont pas accès aux soins palliatifs dont ils auraient besoin. Pendant qu’on se parle, il y a trois patients qui meurent en France sans avoir eu accès aux soins palliatifs. Elle est là la vraie inégalité. Il est là l’abandon et le scandale. (…) C’est plus la peur de souffrir, que la souffrance, qui fait demander la mort. Quand on dit à ces patients qu’on sera là quoi qu’il arrive et qu’on les soulagera même si ça doit raccourcir la vie, c’est ce que la loi nous dit. Soulager quoi qu’il en coûte, même si ça doit raccourcir la vie. C’est le quoi qu’il en coûte qu’on n’a pas bien réussi à mettre en place."

"On n’a eu aucun contact avec le gouvernement depuis le 6 septembre dernier, donc ça fait six mois, déplore également Claire Fourcade. A aucun moment, on n’a eu un projet de loi sur la table pour savoir ce qui était envisagé. Hier soir, on attendait de savoir ce qui allait nous arriver avec une grande inquiétude et beaucoup d’impatience. On a l’impression d’avoir été complètement laissés de côté. Si on prend la parole, ce n’est pas parce qu’on a des opinions ou des convictions, mais une expérience et des compétences. Et il nous semble utile dans le débat de pouvoir partager ces compétences."

 

Edito de Claire Fourcade de Mars 2024

Le projet de loi propose un modèle d'assistance au suicide associé à une exception d'euthanasie proche de celui retenu par l'avis 139 du CCNE.

(...) Il comporte egalement un volet "soins d'accompagnements" qui devrait être complété prochainement par des annonces concernant la stratégie décennale qui doit succéder au plan de développement des soins palliatifs en cours.

Des changements majeurs du cadre législatif avec lequel travaillent ceux qui soignent la fin de vie se profilent et leur impact sur les pratiques professionnelles sera important et déstabilisant pour beaucoup.

(...) Si cette loi passe, comment allons-nous collectivement aborder ce nouveau chapitre de l'histoire des soins palliatifs en France ?

Par nos métiers, nous sommes confrontés à la mort au quotidien. Parfois nous avons peur mais nous faisons face (...) ; nous ne fuyons pas, nous soulageons, nous inventons, nous créons, nous imaginons. Demain, malgré la peur qui nous étreint, nous allons faire face et nous trouverons un chemin. Ensemble.

Le Communiqué de presse de la SFAP du 1er Février 2022

La SFAP (Société Française d’Accompagnement et de soins Palliatifs) salue la publication du plan national 2021 – 2024 pour le développement des soins palliatifs et appelle à adopter des moyens à la hauteur des ambitions affichées

Attendu depuis plusieurs années (le dernier plan s’étendant jusqu’en 2018), annoncé depuis plusieurs mois, le plan 2021-2024 pour le développement des soins palliatifs et l’accompagnement en fin de vie a enfin été publié. La SFAP salue le travail accompli mais s’interroge sur la portée réelle des ambitions affichées au regard des moyens prévus par le plan.

Les professionnels des soins palliatifs relèvent la prise de conscience commune sur l’insuffisance de l’offre, les soins palliatifs permettant d’accompagner environ 100 000 personnes par an, pour un besoin estimé à plus de 300 000. Ils saluent l’ambition consistant à garantir un accès aux soins palliatifs « à tous les citoyens sur tout le territoire ».
 

Les membres de la SFAP s’interrogent néanmoins sur le manque d’ambition, matérialisé par :
-    La primauté donnée à la communication auprès des populations. Si elle est essentielle, elle ne sera effective que si elle correspond à une réalité médicale en mesure de prendre en charge les besoins des Français.
-    A cet égard, plus qu’un problème de stratégie de communication, la lente progression de la démarche palliative s’explique principalement par la faiblesse de l’offre sur le territoire.
-    Comme le notent les rédacteurs du plan, 26 départements ne bénéficient aujourd’hui d’aucune unité de soins palliatifs (USP) permettant la prise en charge des situations les plus complexes. L’égalité territoriale dans les soins n’est donc pas garantie.
-    Si ce problème est bien identifié, nous attendons de mieux comprendre les engagements concrets adoptés pour pallier cette insuffisance grave qui entache l’égalité face à une prise en charge adaptée à la fin de vie
-    Concernant le renforcement des équipes mobiles de soins palliatifs (EMSP), la démarche mérite d’être saluée. Nous rappelons cependant que le budget alloué en 2022 pour ce besoin (5M€) permettra de créer au maximum 15 nouvelles équipes sur l’ensemble du territoire, soit une augmentation de 2% des capacités l’année prochaine, correspondant à environ 6000 prises en charge annuelles.

 

A l’approche de l’élection présidentielle, la SFAP publiera prochainement ses recommandations à destination des candidats. Certaines font partie du Plan mais sans garantie actuelle de financement au-delà des échéances électorales à destination des candidats. Parmi elles :

  • Garantir l’accès de tous aux soins palliatifs : développer l’offre de soins partout sur le territoire

    • Création au minimum d’une unité de soins palliatifs par département (coût annuel : 47M€)

    • L’adoption d’une trajectoire permettant d’atteindre 1 lit d’USP pour 100 000 habitants (745M€ annuels à terme)

    • Pas de zone blanche pour l’intervention des équipes mobiles de soins palliatifs (40M€ pour augmenter la prise en charge de 50 000 patients par les EMSP)

    • La création d’une cellule de coordination et d’animation en soins palliatifs dans chaque région (3,6M€ annuels)

  • Pouvoir choisir où finir sa vie : développer les soins palliatifs à domicile

    • Prise en charge intégrale des aides à domicile pour les personnes en fin de vie, dans le cadre d’une majoration du fonds spécial Soins Palliatifs (FNASS).

    • Pour les professionnels libéraux intervenant à domicile, financer des forfaits de prise en charge des patients en soins palliatifs, incluant accompagnement, déplacement et coordination des acteurs de soin

    • Ligne d’appel 24h/24 pour les urgences palliatives

    • Création de lieux de soin innovants (maisons de répit, longs séjours palliatifs, hôpitaux de jour…)

  • Diffuser la culture palliative parmi les soignants et la population

    • Former tous les étudiants en santé aux soins palliatifs : introduire un stage obligatoire dans une structure de soins palliatifs

    • Structurer la filière universitaire de soins palliatifs pour renforcer l’attractivité de la discipline

    • Créer une mention « Soins palliatifs » pour les Infirmiers en Pratique Avancée (IPA)

    • Lancer une campagne pour développer le bénévolat d’accompagnement et faciliter l’intervention des bénévoles dans la prise en charge palliative

Claire Fourcade, présidente de la SFAP, déclare « Ce nouveau plan se fonde sur des constats justes et contribuera à renforcer partiellement la démarche palliative dans notre pays.
Cependant, face aux enjeux démographiques liés au vieillissement de la génération du babyboom, et étant donné les attentes toujours plus grandes de nos concitoyens vis-à-vis de notre système de santé notamment au dernier moment de leur vie, nous pensons qu’il ne répond pas aux risques de rupture auxquels nous sommes déjà confrontés.
La médecine palliative doit être dimensionnée à l’échelle de la population afin d’offrir à tous, dans le respect du principe d’égalité, une fin de vie digne ; c’est sa vocation. Le maintien d’une logique palliative échantillonnaire ne peut conduire qu’à l’insatisfaction de nos concitoyens et à la recherche de solutions étrangères au cadre éthique actuellement en vigueur.
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